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Violences *

par Michel Dupré


 

Commentateurs, critiques, historiens de l’art ont la plupart du temps jeté un voile pudique sur la vigueur des opinions politiques de Van Gogh. Eh oui, il avait de sopinions politiques !

On sait l’indéfectible dichotomie Art/Politique dans la pensée bourgeoise moderne, admise et soutenue avec acharnement par les esthètes officiels. C’est pourquoi les engagements de Van Goghdans les rangs du socialisme — celui de son temps — bien souvent énoncés dans sa correspondance, sont généralement passés sous silence.

Il est pourtant des faits… qui sont têtus. Un, tout particulièrement.

Durant l’hiver 90, Vincent est à Saint-Rémy où il mène une vie pénible et solitaire. Les difficultés incessantes l’amènent à songer à un retour en Hollande : il pense rentrer à Anvers.

C’est en fa it à Paris qu’il se rend.

Ce retour à Paris a toujours été considéré comme normal, logique, allant de soi. Or, Van Gogh arrive à Paris le 30 avril. Accueilli par Théo en gare de Lyon, il passe la soirée avec des amis peintres qu’il n’avait pas vu depuis longtemps, Pissarro en particulier, qui lui présente le critique Fénéon et le peintre Maximilien Luce. Ce dernier a été fortement impressionné à l’exposition des « XX » à Bruxelles, par La vigne rouge de Vincent *, y percevant une allusion directe au massacre des Communards. Plus qu’une réunion d’artistes, c’est bien une réunion politique qui a lieu, au grand dam de Théo. Divers témoignages assurent même que, ce soir là, Sébastien Faure et le jeune Kropotkine étaient présents.

Le lendemain 1er mai, les membres de ce petit groupe anarchisant se retrouvaient dans l’énorme manifestation des travailleurs.

Lea manifestation fut, on le sait, très durement réprimée. Les heurts violents provoqués par les forces de l’ordre (34 000 hommes de troupe de la garnison de Paris) firent de nombreuses victimes. Vincent, brutalement matraqué, fut relevé avec un sérieux traumatisme crânien. Malgré cela la soirée se passa au café, dans une exaltation optimiste, et Vincent rejoignit sa banlieue vers la mi-nuit.

Le lendemain, le ministre de l’Intérieur fit publier une déclaration dans les journaux :

« … Aussitôt cette journée passée, je m’occuperai à purger la France des 4 000 ou 5 000 étrangers qui troublent sa sécurité… Ils apportent chez nous des dangers qu’ils n’oseraient pas créer chez eux. Ici, la tolérance deviendrait un crime et je vais en nettoyer la France dans les plus brefs délais. »

A la lecture de ces lignes, Vincent prend peur et imagine de quitter discrètement le territoire. Malgré les nombreux problèmes à résoudre, il garde contact avec ses amis politiques. Il retourne même dans la capitale pour participer, le 14 juillet, à la fondation de la IIème Internationale. Certains témoignages affirment qu’il prit la parole maladroitement, mais chaleureusement applaudi, pour évoquer sa rencontre à Londres, en 1873, avec Karl Marx.

Fin juillet, tout est prêt pour son départ.

Lors de sa dernière promenade dans la campagne d’Auvers, il sera reconnu par un gendarme qui n’hésitera pas à l’abattre. Le « bavure » sera maquillée en suicide…

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 * Extrait de VVG, Réalisme-fiction de Michel Dupré. E.C. Editions, 1995.

** seul tableau de Van Gogh vendu de son vivant.

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